Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mercredi 14 juin 2023 à 21h30
Renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

« Femmes, c'est vous qui tenez entre vos mains le salut du monde ! » Le salut du monde, c'était la mission de Léon Tolstoï pour les femmes, une mission qui invitait à lever les yeux des hommes vers les femmes et les yeux des femmes vers un noble idéal. C'était un projet féministe à part entière, révolutionnaire, qui n'avait rien de commun avec les mouvements féministes d'aujourd'hui, obsédés par l'égalitarisme, contraignant les femmes à devenir d'autres hommes, véritable obsession qui se distille dans notre société depuis des années au point d'accoucher de lois maquillées de belles aspirations mais qui, à y regarder de plus près, frisent souvent l'absurde.

Trop de néoféministes d'aujourd'hui se trompent. Pour elles, c'est depuis le marchepied des quotas et des discriminations positives que les femmes doivent se hisser vers les sommets du marché du travail. Quel désolant relent d'une opposition de classe, non plus entre ouvriers et patrons mais entre hommes et femmes ! Et quel désolant aveu de faiblesse que de proposer des pénalités financières plutôt que la valorisation des talents et des compétences !

La proposition de loi, qui vise à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique, en est une regrettable illustration. Elle semble ignorer que les postes de catégorie A sont occupés à 66 % par des femmes. À titre d'exemple, les emplois de haute direction de la mairie de Béziers et de sa communauté d'agglomération sont occupés par des femmes, y compris la direction des services techniques de l'agglomération. Comme quoi, les femmes peuvent occuper de hautes fonctions sans que la loi intervienne.

Disons-le clairement, cette obsession de parité et d'égalité professionnelle en faveur des femmes risque de contraindre encore davantage les choix de recrutement des collectivités territoriales. Dans un contexte économique où le marché de l'emploi est plus que tendu, où la fonction publique ne suscite que trop peu de vocations, où les compétences pour les emplois de direction sont difficiles à trouver et où les collectivités territoriales se font concurrence, ces nouveaux quotas créeront une difficulté supplémentaire. Les compétences, déjà difficiles à attirer, ne suffiront plus et il faudra prendre en compte la notion de sexe dans les recrutements. C'est aussi triste que stupide : une discrimination sera remplacée par une autre. On ne peut que le regretter, surtout lorsque l'on sait qu'à cause de l'inflation, les collectivités territoriales connaissent des difficultés financières énormes, lesquelles seront encore accrues si elles ne recrutent pas le bon sexe puisqu'elles seront alors pénalisées financièrement.

Cette idéologie a d'ailleurs conduit à corseter par des règles paritaires inadaptées la proposition de loi tendant à garantir la continuité de la représentation des communes au sein des conseils communautaires, que nous examinerons demain. Est-ce raisonnable ? Est-ce pragmatique ? Je ne le crois pas, car ce dont la fonction publique a besoin, c'est de compétences mises au service des administrés. Parler de compétences est d'ailleurs bien plus moderne, bien plus féministe aussi, car les compétences s'acquièrent par notre travail et non par un coup du destin auquel nous ne pouvons rien. Au lieu de recourir systématiquement à la contrainte, ne serait-il pas temps de repenser la fonction publique pour la rendre plus attractive, plus séduisante, en un mot, plus sexy ?

Un autre marronnier est l'égalité salariale. Si dans le privé la question se pose vraiment, puisque les femmes gagnent en moyenne 24 % de moins que les hommes, il en va autrement dans le public, où hommes et femmes d'une même catégorie – A, B ou C – ayant connu la même carrière et d'une ancienneté équivalente disposent forcément du même niveau de rémunération car ils sont soumis à la même grille indiciaire. En revanche, en matière de primes, il peut effectivement en être autrement. Évidemment, il serait tout à fait pertinent d'inciter les collectivités territoriales à remédier aux inégalités à fonctions et compétences équivalentes. Cependant, elles le font déjà très majoritairement.

Vous l'avez compris, ce texte me pose problème, car naturellement, l'égal accès des femmes et des hommes à l'emploi est un objectif plus que légitime. Mais cela ne veut pas dire qu'il faille sacrifier telle ou telle candidature en fonction du sexe. Je suis d'ailleurs persuadée qu'entrer dans une logique de guerre des sexes, aussi contreproductive que désuète, est tout simplement dégradant pour les femmes.

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